Pas le moindre bruit, personne autour de moi, un soupir d'énervement s'échappe alors de ma bouche, je garde les yeux rivés vers cette porte avec une certaine appréhension, une haine profonde se dessine doucement au fond de mon estomac, je hais profondément cet endroit. Des bruits de pas et des bribes de conversation viennent jusqu'à moi, la fin pour une personne, mon début, horreur ! Quelques minutes... Quelques secondes... La porte s'ouvre doucement et laisse apparaître cette femme d'âge mûr à l'allure pourtant de fille facile avec son sourire immonde, ses cheveux trop bien coiffés et son maquillage abondant. D'une voix aiguë avec son éternel sourire aux lèvres, elle lâche doucement : « Juliet Middleton. ». Un coup d'œil à droite dans l'espoir de pouvoir s'échapper de cet endroit, suivi d'un nouveau soupir, je finis par me lever et quitter la tranquillité de la salle d'attente, « Oui, c'est moi. », plutôt inutile, je ne viens pas pour la première fois. C'est parti pour une heure d'horreur afin d'oublier, de laisser le passé derrière, chose impossible mais utile selon certains imbéciles.

Quelques sourires et banalités plus tard, elle rentre directement dans les sujets délicats sans même me laisser un instant de repos afin de me préparer psychologiquement à ses questions, souvent indiscrètes. Parler aide, ça libère, foutaises ! « La dernière fois, vous me parliez de la relation entre vos parents, le bonheur à l'annonce de votre naissance après de nombreux essais pour adopter. » Un vague mouvement de la tête afin de confirmer ses dires, le regard dans le vide, afin d'échapper déjà à cette pièce pour revenir dans des souvenirs lointains, bien avant cette dernière séance.

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« Maman ! Maman ! Raconte moi ta rencontre avec papa... » Un vague sourire. Dans mes souvenirs elle garde encore cet éternel air triste à peine voilé, sa présence inexistante, ses pleurs répétitifs le soir. Doucement, elle passe sa main dans mes cheveux et pour la première fois depuis bien longtemps, son visage s'illumine, légèrement et toutes les anciennes marques de tristesse s'évaporent, ce signe de gaieté me marqua, encore aujourd'hui je me souviens. « Allonge toi d'abord, je vais te raconter. » Inutile de le répéter deux fois, déjà allongée à l'écoute d'une mère si souvent absente et triste, elle part un instant et revient avec un bol de lait chaud qu'elle me tend, une ancienne tradition. « Merci... » Elle me sourit doucement, un geste si simple mais si rare, son regard dans le vide avec des pensées bien loin de la scène présente. « Comme tu le sais, mon enfance fût bien différente de la tienne, tes grands parents ne possédaient pas grand chose et devaient donc compter sur leurs enfants pour les aider, autrefois riche en Angola, il se trouvait désormais démuni en France. Aînée de la famille, la décision fut rapidement prise : je partirai pour la capitale, Paris. Je ne connaissais personne, cependant ta grand-mère trouva une amie d'une de ses sœurs qui décida de me prendre en charge et de m'aider à trouver un travail quelconque pour aider la famille, envoyer un salaire régulier. Je partis donc, tout juste âgée de dix-sept ans vers la ville, un choc énorme. Cependant, Savanna, la dame chez qui je logeai se montra généreuse et gentille, elle m'aida afin de trouver un emploi et je me retrouvai à servir une famille de grand héritier les Middleton » Ce nom de famille relève mon attention... Papa, héritier comme les chevaliers dans les aventures des films, un sourire fier étire alors mes lèvres d'enfant, heureuse pour quelques broutilles, fière de mes géniteurs. « Et tu travaillais pour papa ? » Un petit sourire, elle me regarde et revient le temps d'un instant dans le présent. « Pour ses parents, mais attends j'y arrive... J'ai donc commencé à... » Ma curiosité se pointe alors, celle d'un enfant qui cherche à tout connaître, et d'une voix surexcitée avec une envie de réponse : « Mais si tu travaillais pour les parents de papa, pourquoi on les voit jamais ? » Elle lève un court moment les yeux au plafond et rit doucement de ma curiosité. « J'y arrive... Je commençais donc à travailler pour les Middleton, ils habitaient dans une immense maison comme dans tes films, on aurait dit un château, je nettoyais donc chaque jour ce manoir. Et rapidement je fis la rencontre du fils de monsieur et madame Middleton, un jeune garçon âgé de trois ans de plus que moi, prétentieux sur les bords, ton père. Tout s'enchaîna très rapidement, on apprit à se connaître derrière le dos de ses parents à mes heures perdues, je ne travaillais plus beaucoup et je passais mon temps avec ce jeune homme et ses habitudes différentes des miennes. Ton père avait l'habitude de vivre dans un monde où il pouvait tout avoir, il ne connaissait pas les difficultés pour se nourrir comme je les avais vécu auparavant. Contrairement à mon ancienne vie, il ne vivait pas vraiment avec ses parents, tes grands-parents donc, ceux-ci se trouvaient toujours en voyages pour leurs affaires personnelles, il avait donc été élevé par une jeune femme du nom de Sierra. Au bout d'un certain temps, ses parents ont appris notre relation et... » Un léger bâillement et je m'endors la seconde suivant, cette histoire reste alors incomplète, jamais de suite, ni de moments tel que celui-ci. Un bisou sur le front et un léger : « Belle nuit mon cœur »

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Cependant, cette vieille folle me ramène à la réalité, afin de me replonger dans le passé. « Et donc, quel est cet événement qui a tout changé ? » Je bouillonne intérieurement, évidement ces rendez-vous servent à me faire parler, pourtant l'envie s'éloigne depuis bien longtemps, depuis la prononciation de mon prénom. Elle me sourit doucement, dans l'attente d'une réponse, elle connait très bien le pourquoi du comment, mais non, elle veut me l'entendre dire, pour me faire souffrir encore un peu. « Peu après mes six ans, ma mère est venue me voir, un sourire immense aux lèvres, vêtue d'un béret noir. D'une voix joyeuse, j'appris que d'ici quelques mois un petit bébé viendrait agrandir la famille, un frère ou une sœur. » Un moment de silence, mon regard se pose dans le vide, des années auparavant à cette époque où tout allait bien, très vite interrompu. « Ensuite... ? Vos parents vous ont laissé tomber pour ce futur bébé ? » La colère monte doucement, pourquoi elle insiste ainsi alors qu'elle connaît déjà toute l'histoire, à quoi bon me torturer l'esprit avec des événements du passé ? J'inspire doucement, pourtant l'énervement ne part pas, il persiste. D'une voix grave, et d'un ton sec, je réponds : « Vous savez très bien comment ça s'est passé ! Ma mère a perdu le bébé après de longs mois de souffrance ! Elle ne pouvait plus nous voir, ni moi, ni mon père, sans vomir à notre approche. À la suite, de cela j'ai perdu mes deux géniteurs, plus personnes du moins physiquement là, mais jamais présents pour autant, je me retrouvai constamment seule, personne pour venir me voir dans les spectacles de l'école, personne pour m'écouter dans les moments où rien n'allait, personne présent à mes premières douleurs, le début des pleurs, ni pour les anniversaires où je me trouvais seule, encore et toujours. Vous êtes contente, c'est ce que vous vouliez entendre encore une fois ! Si vous croyez que vos séances changent quelque chose, vous vous trompez ! » « Bien... Faire ressortir cette colère est un bon début... » La séance continue, dans le même genre, la haine continue d'augmenter, contre cette femme refaite de partout, à l'allure de prostituée, mais aussi contre mes parents. Vivre sans la présence d'adulte forge un caractère, une carapace mais laisse aussi un manque présent à longueur de journée. Une jalousie immense à la vue de la relation entre des parents et leurs enfants, une haine omniprésente envers la plupart de ses adultes toujours absents dans les moments difficiles...

Après de longues minutes à discuter du passé, on arrive bien rapidement au présent. Ma première confrontation avec une personne sur cette vérité, cet être qui commence à grandir doucement dans mon ventre, cette peur naissante et l'ignorance encore du futur père. Les mots ne veulent pas sortir pourtant il s'agit de la raison de ma présence, non pas pour discuter de mon passé, mais à cause du présent. Discuter de ce qui se passe avec une personne du lycée très peu pour moi, avec mes parents, inutile, depuis onze ans environ aucune discussion à la maison, quand à mes amis, les jugements viendraient trop rapidement. Parler à quelqu'un de neutre, voilà la solution à mes yeux. « Je... Je suis enceinte... Mais, je ne veux pas avorter, je compte le garder... » Je regarde cette fille avec tant de superficialité, mais pars déjà dans les souvenirs de cette fameuse soirée.

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Après tant d'espoir à ce sujet, tout se déroule comme je le désirai, cet homme face à moi, ces baisers, ces caresses, tout est parfait. Comment ne pas rêver d'une première fois avec Thomas Evans, l'image typique de la perfection, blond aux magnifiques yeux verts. Une nuit parfaite, rien à changer si ce n'est le réveil, le contraste complet avec cette nuit sans défaut à mes yeux. Une joie immense après les nombreuses difficultés de la vie, au matin pourtant une phrase lourde de sens : « Dépêche toi de partir, j'ai des choses à faire ! » Le mythe s'effondre...

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« Avec cette grossesse, les choses font changer, je ne l'abandonnerai pas comme mes parents m'ont laissé... »